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Prise de parole à l’occasion du rassemblement en soutien à Gisèle P. et à touxtes les victimes de violences sexistes et sexuelles

Rassemblement organisé par le Collectif genevois de la Grève féministe

La colère est nôtre

La colère est nôtre et c’est elle qui nous rassemble encore une fois ce soir.

La colère et le dégoût.

La colère et le dégoût face à un système patriarcal qui ne compte plus ses victimes. La colère et le dégoût face à l’impunité et à l’indécence des agresseurs. La colère et le dégoût face à la silenciation des victimes et à la remise en cause systématique de leur parole. La colère et le dégoût face à l’inaction de l’Etat et à la complicité de la justice.

Nous pensons ce soir à Gisèle Pelicot, à sa fille et à ce procès extraordinaire qui parle pourtant d’un crime presque ordinaire.

Nous pensons ce soir à toutes les personnes victimes de violences sexistes et sexuelles, à celles qui parlent comme à celles qui ne le peuvent pas. ON VOUS CROIT !

En Suisse, plus d’une femme sur cinq a déjà subi des actes sexuels contre son gré et plus d’une femme sur 10 a déjà eu un rapport sexuel sans son consentement.

Parce qu’elles ont honte, parce qu’elles ne peuvent pas faire confiance à la police ou encore parce qu’elles pensent que leur parole ne serait pas crue ou que leur démarche n’aboutirait pas, seules 10% des victimes signalent l’agression à la police.

En Suisse, et même s’il n’existe pas d’étude nationale sur le sujet, on estime que 2 à 3 enfants par classe seraient victimes de violences incestuelles.

En Suisse, toutes les deux semaines, une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois un inconnu. Le Bureau fédéral de l’égalité rapporte que chaque semaine une femme survit à une tentative de féminicide.

Ces chiffres sont terrifiants…ils sont pourtant encore bien en dessous de la réalité. Combien de personnes poussées au suicide dont on ne parle pas ? Combien de victimes silenciées, invisibilisées ? Et rappelons également que les statistiques sur les violences ne prennent pas en compte celles qui sont subies par les personnes transgenres et non-binaires.

En Suisse, en juin 2023, le Parlement a adopté la révision du droit pénal en matière sexuelle en privilégiant la solution du « non, c’est non » à la place de celle soutenue par Amnesty International et les acteurices de terrain engagé-e-x-s dans la lutte contre les violences sexuelles : le « oui, c’est oui ».

En Suisse, en novembre 2023, le Tribunal Fédéral a rendu une décision scandaleuse en estimant qu’un « viol de courte durée », c’est-à-dire 11 minutes, justifiait une réduction de peine. Honte à cette justice complice des agresseurs !

Ces faits sont accablants.

La colère est nôtre et c’est elle qui nous rassemble encore une fois ce soir.

Nous refusons d’entendre une fois de plus, une fois de trop, vos « oui mais pas tous les hommes ». Le système patriarcal est un système qui profite à l’ensemble des hommes cisgenres. Les agresseurs sont nos pères, nos frères, nos oncles, nos grands-pères, nos maris, nos petits copains, les amis de la famille… Ce sont des médecins, des enseignants, des policiers, des boulangers, des journalistes, des hommes politiques, des patrons… Pour l’écrasante majorité, des hommes bien de chez nous, et non pas, comme on l’entend avec une certaine récurrence, des hommes racisés, issus de l’immigration ou encore, en situation irrégulière. C’est l’abbé Pierre et tous ceux qui savaient et qui n’ont rien dit. Nous refusons d’être confronté-e-x-s une fois de plus, une fois de trop à vos silences complices.

Pas tous les hommes mais c’est eux qui nous droguent, qui nous trahissent, qui nous maintiennent sous emprise. Pas tous les hommes mais c’est eux qui insistent jusqu’à ce que nous cédions malgré nos « non » répétés. Pas tous les hommes mais c’est eux qui se taisent au nom de la solidarité masculine. Pas tous les hommes mais c’est eux qui enlèvent leur préservatif en cachette de leur partenaire. Pas tous les hommes mais c’est eux qui pensent qu’on a déjà le droit de vote et qu’il ne faudrait pas trop en demander non plus. Pas tous les hommes mais assez pour que nous ayons TOUXTES peur.

Ce soir, nous exigeons des excuses sincères. Nous exigeons des engagements durables. Nous exigeons des prises de consciences immédiates. Nous exigeons des changements de comportement radicaux. Agissez, réagissez, intervenez quand vous êtes témoin, remettez vos automatismes en question, éduquez-vous, écoutez-nous.

C’est ce soir et c’est ensemble que nous devons sonner le glas des violences sexistes et sexuelles et des oppressions patriarcales.

PAS UN VIOL DE PLUS, PAS UNE MORTE DE PLUS !