Manifestation « Le viol sous toutes ses formes est un crime » – 8 mai 2021
Viol-Secours a pris la parole, sur invitation du collectif féministe Engageons les murs, lors d’une manifestation sur la thématique de la réforme du droit pénal en matière d’infractions sexuelles. Un moment fort et émouvant enrichi par plusieurs prises de paroles sur notamment la nécessité de placer le consentement au centre de cette réforme, des performances, des témoignages, un cri collectif et un accompagnement rythmé par les Red De Tamboreras De Suiza.
De par son expérience, Viol Secours conçoit les violences sexistes et sexuelles comme la manifestation du pouvoir patriarcal sur nos corps et nos esprits. Elles s’inscrivent dans un continuum des violences qui va de la blague sexiste, aux remarques sur le physique et aux attouchements et qui culmine par les viols, les meurtres et les féminicides.
En Suisse, une femme meurt en moyenne toutes les deux semaines sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon.
En Suisse, les violences sexistes et sexuelles sont un fléau que les féministes dénoncent depuis des décennies.
Aujourd’hui, comme hier les chiffres sont alarmants.
En 2020
- Plus d’une femme sur 2 déclare avoir subi des attouchements, baisers et étreintes non souhaités après l’âge de 16 ans.
- 22% des femmes ont déjà subi des actes sexuels non désirés après 16 ans.
- Et 12% ont déjà eu un rapport sexuel contre leur gré après 16 ans.
- Les violences sexistes et sexuelles ne sont pas toujours visibles, n’en déplaise aux médias qui continuent d’alimenter l’imaginaire collectif avec des clichés. Non, la plupart des violences n’ont pas lieu la nuit dans un parking glauque.
Oui, encore en 2021, les stéréotypes sur le viol ont la peau dure. Alors comme nos adelphes des générations précédentes, nous répétons la même chose encore et encore.
Les violences sexistes et sexuelles prennent place dans notre quotidien, dans des lieux familiers où l’on se croit en sécurité:
- à la maison, (par nos parents et nos compagnons)
- au travail, (par nos collègues et nos patrons)
- sur nos lieux de formations, (par nos camarades et nos professeurs)
- dans nos lieux de soins, (par nos soignants)
- Les chiffres sont sans équivoque, dans 96% des cas les personnes accueillies par notre association ont été agressées par une personne qu’elles connaissaient.
Dans la plupart des cas, l’agresseur s’appuie sur la relation de confiance qu’il entretien avec la personne victime : la contrainte et la violence physique sont souvent superflue, puisque l’emprise est avant tout psychologique.
Toujours selon nos observations, et dans près de la moitié des situations, les auteurs de violences possédaient une autorité sur la victime – qu’ils soient professionnels de la santé, professeur, patron, adulte par rapport à un.e mineur.e.
Or, la justice pénale en matière d’infractions sexuelles se base sur un double mythe : d’un côté celui du monstre, c’est-à-dire que l’agresseur est un inconnu qui attaque subitement en faisant usage de la force ou de la contrainte et qui laisse des traces et de l’autre celui de la victime modèle qui se défend et qui va porter plainte immédiatement et peut justifier son agression par des lésions corporelles.
À cela s’ajoute un phénomène connu des psychothérapeutes mais encore ignoré par les autorités judiciaires : l’état de sidération lors d’une agression. En effet, lorsqu’on subit une agression, la sidération peut agir comme une réponse à la menace et l’on devient alors incapable de réagir que ce soient par les actes ou même par la parole.
La justice n’est pas capable de voir les violences sexistes et sexuelles qui sont normalisées et silenciées.
Les personnes victimes sont abandonnées à elles-mêmes et n’ont pour elles que leur force et leur courage, mais peu d’entre elles ont accès à une forme de justice. En effet, par crainte de ne pas être crue, par crainte de subir davantage de violence, à cause de la honte dans laquelle elles plongent en raison du traitement réservé aux survivantes de violences sexuelles par la société, seulement 8%, 8% des personnes victimes de violences sexuelles portent plainte. Et sur ces 8%, une part infime conduit à une condamnation, faute de pouvoir prouver les faits.
Ceci étant dit, on ne peut pas, en tant que féministe, faire l’économie d’une analyse critique du système pénal répressif.
Le système pénal et la prison sont au service des élites. Ces institutions entretiennent une longue histoire de perpétuation des oppressions, notamment envers les classes populaires et les personnes non-blanches. Il s’agit d’un outil des dominants pour asseoir leur suprématie. Par exemple, la sur-représentation dans les prisons des hommes noirs et racisés s’inscrit dans la continuité de l’histoire coloniale et raciste. La construction du stéréotype de l’homme noir ou racisé comme intrinsèquement violent participe aussi à justifier les violences policières ainsi que des peines plus lourdes. La Suisse ne fait pas exception, en Suisse aussi le racisme enferme et tue.
Nous savons que les violences sexiste et sexuelles sont partout dans la société, elles ne sont pas l’apanage d’une catégorie sociale. On viole dans les écoles privées, on viole dans les salons feutrés des bourgeois et on viole dans les boites de nuits branchées.
Seulement, face à l’appareil judiciaire nous ne sommes pas touxtes égales/égaux. Ainsi, celleux qui seront plus facilement reconnuexs coupables sont celleux que le système opprime déjà. Et ceux dont les privilèges permettent d’échapper à la justice continuent de violenter dans un silence assourdissant !
Pensons au scandale qui a récemment éclaté à la RTS, les coupables ne sont pas inquiétés malgré les dizaines de témoignages sortis dans les médias.
C’est pourquoi dans le cadre de la réforme de la loi pénale en matière d’infractions sexuelles qui a court en ce moment, nous tenons une position complexe.
Nous ne croyons pas que le système pénal seul puisse résoudre les violences sexistes et sexuelles.
Nous voulons que la société dans son ensemble reconnaisse les violences sexistes et sexuelles, qu’elle les dénonce et surtout qu’elle soutienne les personnes victimes dans leurs parcours de résilience.
Et pour cela oui, une refonte du code pénal est nécessaire, vitale même !
Nous voulons que la définition actuelle de l’article 190 sur le viol soit abandonnée car elle ne reconnait de viol que la pénétration péno-vaginale. Cette définition est excluante pour les personnes trans*, non-binaire et intersexe ainsi que pour les hommes cis victimes de viols. Maintenir cette définition constituerait une volonté d’invisibiliser une partie des victimes des violences sexuelles et contreviendrait aux conventions internationales ratifiées par la Suisse.
Et surtout, nous voulons qu’apparaisse la notion de consentement dans le droit pénal. Car tout acte sexuel non consenti est un viol, peu importe qu’il y ait eu contrainte ou non de la part de l’agresseur.
À bas la culture du viol !
À bas la justice bourgeoise et raciste !
Pour une culture du consentement pour touxtes, car seul un oui est un oui !